MÉMOIRE DE LA CONFÉRENCE DES ASSOCIATIONS DE LA DÉFENSE

RÉSUMÉ

  • L’objectif d’une économie saine est d’être capable de fournir des biens publics importants, dont un a trait à la sécurité des citoyens. Si la sécurité est assurée, la vie économique peut poursuivre son cours dans un contexte de paix et de liberté. En l’absence de celle-ci, la vie économique risque d’être constamment perturbée, et la croissance économique durable ne devient qu’un lointain espoir. Les gouvernements doivent améliorer la façon dont ils planifient la sécurité nationale et ses dépenses.
  • La gestion des dépenses militaires sur une base pluriannuelle contribue à optimiser les fonds alloués à la défense. En période de paix, une telle gestion permet de prendre des décisions rationnelles concernant la taille, la composition et l’approvisionnement en matériel des forces militaires. Elle favorise l’application régulière de la loi et l’atteinte de résultats optimaux dans le secteur des acquisitions d’ordre militaire. Elle contribue à s'assurer que l'industrie canadienne demeure à la fine pointe de la haute technologie exigée pour les systèmes d’armes modernes et soutienne les emplois de qualité dont le Canada souhaite et doit avoir. En outre, la gestion des dépenses militaires produit un rendement intérieur élevé sur les sommes investies dans la défense. Elle aide également à maintenir le lien essentiel entre les forces militaires et la population. En période de troubles, elle donne au pays les capacités militaires dont il a besoin en minimisant les perturbations aux finances publiques. Les gouvernements doivent prendre l’habitude de mettre en place un processus d’établissement des plans de défense à long terme, notamment en éliminant les obstacles au remplacement efficace et opportun du matériel militaire.
  • Les gouvernements ne doivent pas céder à la tentation de financer la force actuelle aux dépens de la force ultérieure. Il ne faut absolument pas que les dépenses en capital descendent de nouveau en-deçà de 25 % du budget de la défense.

Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du Comité,

Je vous remercie de me donner la possibilité de comparaître devant vous.

La Conférence des associations de la défense (CAD) est le groupe le plus ancien et le plus influent de promotion des intérêts du milieu de la défense au Canada; il représente cinquante-et-une (51) associations établies aux quatre coins du pays. La Conférence des associations de la défense a été fondée en 1932 pour étudier les problèmes de défense et de sécurité, et pour promouvoir l’efficience et le bien-être des forces armées du Canada. Plus de 75 ans plus tard, la CAD est encore maintenant la principale voix nationale sur ces enjeux, qui ont été élargis pour englober la souveraineté nationale, la liberté individuelle, et les développements dans le monde qui concernent la paix et la sécurité du Canada.

Le Comité a posé les quatre questions suivantes : a) comment assurer une reprise économique soutenue au Canada; b) comment créer des emplois durables et de qualité; c) comment maintenir les taux d’imposition à des niveaux relativement faibles; et d) comment atteindre un budget équilibré.

Nous désirons formuler les trois recommandations suivantes :

Premièrement : Les gouvernements doivent améliorer la façon dont ils planifient la sécurité nationale et ses dépenses.

L’objectif d’une économie saine est d’être capable de fournir des biens publics importants, dont un a trait à la sécurité des citoyens. En cette ère de mondialisation qui est la nôtre, des capacités militaires sont exigées pour atteindre divers objectifs : la défense de la souveraineté et des Canadiens, en suprême secours pour répondre à un cataclysme national, pour nous protéger d'une attaque extérieure – qu’elle émane d’autres États ou d’organisations terroristes transnationales – et comme corps expéditionnaire déployé à l’étranger pour aider à lutter contre toutes sortes de menaces à la sécurité avant qu'elles ne parviennent jusqu’à nos rives.

Trop souvent, nous avons envisagé les dépenses militaires comme une réaffectation de ressources limitées dont on pense qu’il faudrait plutôt allouer aux écoles et aux hôpitaux. La formation et l’approvisionnement en matériel de nos forces armées ne « drainent » pas plus l’économie que la formation et l’approvisionnement en matériel de nos pompiers, ambulanciers paramédicaux et policiers. Nous nous fions à eux en cas de besoin, et nous nous devons de les préparer à affronter les dangers avant que ceux-ci ne nous atteignent.

Si la sécurité est assurée, la vie économique peut poursuivre son cours dans un contexte de paix et de liberté. En l’absence de celle-ci, la vie économique risque d’être confrontée à des perturbations constantes, et la croissance économique durable ne devient qu’un lointain espoir.

Toutefois, c’est une chose de reconnaître la nécessité d’investir dans nos forces armées, et c’en est une autre de comprendre les capacités militaires qu'il nous faut avoir. Contrairement à certains de nos principaux alliés, le Canada n’a pas mis en place une stratégie de sécurité nationale globale pour fournir le contexte stratégique des dépenses militaires. Fait à souligner, une telle stratégie contribuerait aussi à donner une raison d’être, une cohérence et une orientation à nos efforts diplomatiques et à nos initiatives d’aide étrangère – et à s’assurer que les trois aspects de notre engagement international sont synchronisés, lesquels ne le sont souvent pas…

Nous prenons note avec intérêt que le premier ministre a annoncé, en mai, la création d'un Comité du Cabinet chargé de la sécurité nationale qui aura pour responsabilité « de définir les orientations stratégiques relatives aux politiques de la sécurité et étrangères ». Nous encourageons le gouvernement à élaborer une stratégie nationale claire et non ambiguë, englobant toutes les facettes de l’engagement international du Canada.

Deuxièmement : Les gouvernements doivent prendre l’habitude de mettre en place un processus d’établissement des plans de défense à long terme, notamment en éliminant les obstacles au remplacement efficace et opportun du matériel militaire.

La gestion des dépenses militaires sur une base pluriannuelle facilite l’optimisation des fonds alloués à la défense. En période de paix, une telle gestion permet de prendre des décisions rationnelles concernant la taille, la composition et l’approvisionnement en matériel des forces militaires. Elle favorise l’application régulière de la loi et l’atteinte de résultats optimaux dans le secteur des acquisitions d’ordre militaire. Elle contribue à s'assurer que l'industrie canadienne demeure à la fine pointe de la haute technologie exigée pour les systèmes d’armes modernes et soutienne les emplois de qualité dont le Canada souhaite et doit avoir. En outre, la gestion des dépenses militaires produit un rendement intérieur élevé sur les sommes investies dans la défense. Elle aide également à maintenir le lien essentiel entre les forces militaires et la population.

En période de troubles, elle donne au pays les capacités militaires dont il a besoin en minimisant les perturbations aux finances publiques.

Il importe de mentionner que la Stratégie de défense Le Canada d’abord du gouvernement présentait un budget de défense sur 20 ans, y compris un cadre amélioré de calcul de l’inflation pour le secteur de la défense. La Stratégie de défense Le Canada d’abord faisait quatre promesses aux Canadiens :

  1. Faire passer le budget annuel du ministère de la Défense nationale de 18 milliards de dollars en 2008-2009 à plus de 30 milliards en 2027-2028, soit un investissement de près de 490 milliards de dollars sur 20 ans;
  2. Mettre à la disposition des Forces canadiennes la formation et le matériel appropriés;
  3. Augmenter le niveau de disponibilité opérationnelle des Forces canadiennes et consolider leur capacité de poursuivre leurs opérations une fois qu'elles seront déployées;
  4. Établir un partenariat avec les industries pour permettre aux entreprises canadiennes d'atteindre l'excellence à l'échelle internationale et de mieux se positionner pour obtenir des contrats de défense au pays et à l'étranger.

Ce n’était pas une mince affaire de faire en sorte que les capacités militaires du Canada soient reconnues mondialement, bien que leur envergure soit relativement modeste. Pour parvenir à cette reconnaissance, il a fallu doubler les dépenses militaires au cours des dix dernières années, d’abord sous le dernier gouvernement libéral puis de façon continue et accrue sous le gouvernement conservateur actuel. Les gouvernements Martin et Harper méritent les remerciements des Canadiens pour cette réalisation en dépit des foudres qu’ils ont dû subir.

Les résultats de notre réinvestissement dans les Forces canadiennes sont bien connus des Canadiens :

  • La performance des Forces canadiennes en Afghanistan a été exceptionnelle – lutter contre les groupes d’insurgés, assurer la formation des Forces de sécurité nationales afghanes et collaborer avec la communauté civile pour améliorer le sort quotidien des citoyens dans cette société déchirée par la guerre. La capacité accrue des Forces canadiennes d’intervenir lors de crises humanitaires, notamment durant le tremblement de terre qui a dévasté Haïti, a aussi été fort impressionnante.
  • Le nouveau niveau de dépenses militaires a non seulement aidé les Forces canadiennes à maintenir le rythme des opérations élevé demandé par les Canadiens depuis deux générations, mais il a aussi permis de commencer à remplacer le matériel militaire des Forces canadiennes après la période prolongée de négligence qui a suivi immédiatement la guerre froide. Au nombre des acquisitions clés qui ont été effectuées, citons quatre avions de transport stratégique C-17, 16 avions de transport tactique C-130J, 16 hélicoptères CH-47 Chinook, des obusiers, des chars de combat et des véhicules blindés de transport de troupes.

Pour paraphraser Churchill : « Ce n’est pas la fin. Mais c’est peut-être la fin du commencement. »

Selon la Stratégie de défense Le Canada d’abord, le remplacement du matériel militaire exigera l’acquisition de trois nouveaux ravitailleurs, de 15 bâtiments de guerre de surface pour remplacer les destroyers et les frégates, de six à huit patrouilleurs arctiques/hauturiers, de dix à douze aéronefs de patrouille maritime, de 17 avions de recherche et de sauvetage, de 65 chasseurs de la prochaine génération et d’une flotte de véhicules et de systèmes de combat terrestre.

Ces acquisitions visent seulement à moderniser et à remettre en état le matériel que nous avons déjà – elles ne tiennent pas compte des investissements exigés en vue d'assurer les capacités ultérieures comme la surveillance par satellite dans le Nord canadien, les véhicules aériens sans pilote pour faciliter la surveillance des régions frontalières ainsi que des opérations amphibies et des opérations de commandement et de contrôle plus efficaces.

Le coût à assumer pour tout ce qui précède n’est qu’une partie du défi à relever. Même lorsque les fonds ont été affectés, notre système d’approvisionnement – lent et alambiqué, la responsabilité étant répartie entre plusieurs ministères – n'a pas été capable d’assurer l’avancement des projets à l’intérieur des échéanciers fixés. Un des résultats qui a découlé de cette situation est bien connu des Canadiens : les navires en piteux état et les aéronefs qu’on continue d’utiliser bien après leur date d’échéance. Un autre résultat n’est pas si bien compris : les fonds alloués au nouveau matériel sont réaffectés à la Trésorerie parce qu’ils n’ont pas pu être dépensés avant la fin de l’exercice financier. Il y a deux ans, les fonds non dépensés pour les dépenses de capital se sont élevés à 1,6 milliard de dollars, soit 33 % des dépenses en capital totales qui avaient été prévues pour l'exercice 2009. Au cours de l’exercice 2010, cette somme a atteint 2,3 millions de dollars.

La réforme du système d’approvisionnement aurait dû, de toute évidence, être entreprise depuis déjà longtemps. Il en est de même de la règle permettant au MDN de reporter seulement 1 % des fonds excédentaires. Au printemps 2009, la vérificatrice générale a attiré notre attention sur l’anomalie voulant que la limite des autres ministres soit fixée à 5 %, soulignant qu’à cause de cela, « le Ministère doit gérer ses finances suivant des paramètres plus étroits ». Puisque les ressources non malencontreusement utilisées, que ce soit à cause de retards d’approbations ou d’autres facteurs, ne peuvent jamais être entièrement éliminées, il semblerait judicieux de gérer le budget de la défense sur une base pluriannuelle en ayant des règles de report moins restrictives.

Troisièmement : Les gouvernements ne doivent pas céder à la tentation de financer la force actuelle aux dépens de la force ultérieure. Il ne faut absolument pas que les dépenses en capital descendent de nouveau en-deçà de 25 % du budget de la défense.

La défense nationale est un secteur coûteux. En conséquence, il est nécessaire d’avoir une économie saine pour assurer son financement. On ne peut pas avoir le premier en l'absence du second, du moins, pas pour très longtemps. Remettre de l’ordre dans les finances publiques aidera à maintenir le niveau de dépenses approprié dans le secteur de la défense dans les années à venir. Si cela exige d’examiner de près les dépenses actuelles allouées à la défense, de trouver des économies et d’éliminer les programmes inutiles ou à faible priorité, ceux qui appuient les Forces canadiennes devraient contribuer à l’exercice.

En examinant le budget des dépenses, il est clair que les efforts de réduction du déficit déployés par le gouvernement ont eu une incidence sur le ministère de la Défense nationale à l’instar de la part du budget fédéral de tous les autres ministères. Le budget 2010-2011 réduit les dépenses prévues de 525 millions de dollars au cours de l’exercice 2012 et de 1 milliard de dollars par année à compter de l’exercice 2013, la réduction cumulative s’élevant à environ 15 milliards de dollars sur 20 ans. Dans les premières années, les coupes les plus importantes viseront manifestement les dépenses prévues pour les opérations et la disponibilité opérationnelle en Afghanistan. Les dépenses militaires continueront de croître, mais plus lentement que prévu.

Si les dépenses prévues pour les trois prochaines années sont maintenues au niveau des quelque 21 milliards de dollars par année annoncé dans le budget 2010-2011 et qu’elles reprennent par la suite la trajectoire de croissance promise dans la Stratégie de défense Le Canada d’abord, soit 25 % du budget réservé au renouvellement du capital, on peut se réjouir de savoir que la capacité militaire du Canada ne sera pas encore une fois atrophiée.

Pour conclure, nous souhaitons vous laisser sur ces deux dernières réflexions :

  1. La défense et la sécurité ne sont pas des activités discrétionnaires. Ni notre histoire récente ni le contexte international ne laissent présager que le monde deviendra comme par magie un endroit moins dangereux. Après les sacrifices consentis en Afghanistan et les pertes que nous y avons subies parce que nous n'étions pas prêts, assurons-nous de ne plus jamais nous trouver dans une situation où il nous faut reconstituer les capacités militaires essentielles que nous aurions dû toujours maintenir.
  2. Les Forces canadiennes constituent la dernière planche de salut de ce pays quand les choses tournent mal. Lorsque l’application légitime de la force est notre dernier recours, nous demandons à nos hommes et à nos femmes en uniforme de mettre leur vie en danger en sachant qu’ils peuvent être grièvement blessés, voire mourir au combat. Cette responsabilité illimitée qu’ils assument doit être assortie de l’obligation illimité du gouvernement et des Canadiens de leur offrir les meilleurs outils possibles pour accomplir leur travail périlleux. Par conséquent, n’approuvons jamais plus un budget de défense qui ne respecte pas ce contrat social.